CHAPITRE IV
—Vous &tes complètement fou ! s'exclama le docteur Gibbson en examinent les flacons posés sur le bureau ; vous avez absorbé, de ces substances, trois ou quatre fois plus que je ne vous l'avais dit. Du coup, votre rêve, au lieu de vous promener tranquillement dans la direction que vous souhaitiez, a pris le mors aux dents et vous a entraîné Dieu sait où...
—En enfer, murmura faiblement Michael Swain en se passant une main tremblante sur le front ; de ma vie, je ne me serais cru capable de... de rêver de pareilles horreurs.
Les yeux louches du psychiatre eurent une lueur de curiosité.
—Vous ne voulez pas m'en parler ?
demanda-t-il.
—Jamais ! gronda le romancier ; il y a des choses• qu'on ne peut raconter à personne...
même à un chiffonnier de cervelles comme vous, Gibbson !
L'interpellé haussa les épaules.
—A votre aise, dit-il ; mais vous avez peutêtre tort, mon vieux. Me relater votre rêve, si horrible soit-il, vous en délivrerait. En le taisant, vous le gardez contenu en vous.., et cela peut faire du vilain, un jour ou l'autre.
—Cela ne fera rien de plus qu'un affreux cauchemar que j'oublierai très vite, j'en suis sûr.
D'ailleurs, je renonce à me servir de vos instruments et de vos poisons, Gibbson. Ils m'ont beaucoup aidé et je vous en remercie mais, maintenant, ils me font peur.
—Absurde ! dit le psychiatre ; mes poisons, comme vous dites, ne vous ont fait mal que parce que vous en avez abusé. Il vous suffira désormais de vous en tenir aux doses que je vous ai indiquées.
—Je n'y toucherai plus, même avec des pincettes ! dit Michael Swain d'un air sombre ; c'est un peu trop dangereux de jouer ainsi avec les rêves... Emportez votre sac à malice, docteur, je m'en passerai dorénavant.
—Vraiment ? Et comment écrirez-vous votre prochain roman ? demanda Gibbson d'un ton détaché.
—On verra bien, murmura Swain.
A votre aise, mon cher. Mais, pendant un certain temps, je vous conseille de prendre un soporifique léger avant de vous endormir... Sans quoi vous pourriez passer quelques nuits fort désagréables. Enfin, si cela n'allait pas, nous sommes toujours à votre disposition, moi, mes instruments.., et mes poisons.
Resté seul, le romancier regarda son magnétoscope avec une sorte d'horreur. « L'avais-je branché ou non avant de faire cet abominable cauchemar? se demanda-t-il ; si oui, il faut absolument que j'efface la bande. Et, après tout, pourquoi ne pas tout effacer, y compris les rêves d'avant ? Oui, mais il y a peut-être, làdedans, des visions encore utilisables... Car, maintenant, je me retrouve, comme par le passé, tout seul avec mon imagination.., ou, du moins, ce qu'il en reste... Serai-je encore capable d'écrire sans drogues? Gibbson semble penser que non. Mais les médecins n'arrivent pas à croire que l'on puisse survivre sans leur aide...
Ce que j'ai de mieux à faire, tout de suite, c'est de dormir et, surtout, de ne pas rêver... Mais, avant, je vais manger un morceau, cela me remettra peut-être l'estomac en place. »
Il descendit dans sa cuisine, prépara rapidement quelques sandwiches qu'il remonta dans son bureau où il s'installa devant son récepteur de télévision. C'était l'heure des dernières informations de la soirée et Swain écouta distraitement le journaliste de service égrener d'un air impassible les diverses catastrophes qui s'étaient abattues sur le monde au cours de la journée.
Soudain, l'expression de l'annonceur changea. Une main venait de poser devant lui un feuillet qu'il lut avec une émotion visible : « On m'apporte à l'instant une nouvelle dépêche, dit-il, et elle consternera certainement tous nos compatriotes : l'actrice Barbara Baxter a été trouvée morte chez elle en début de soirée... »
—Non ! hurla Michael Swain en lâchant le plateau qu'il tenait sur ses genoux et en portant ses mains à sa tête.
-« La malheureuse, poursuivait le journaliste, a été étranglée dans sa chambre avez une violence bestiale et il semble qu'elle ait été l'objet d'une tentative de viol. Il n'y a pas trace d'effraction et aucun objet de valeur ne parait avoir été emporté. Barbara Baxter répétait, ces jours-ci, le rôle de Desdémone sous la direction du metteur en scène Charles Tullis. D'après les premiers témoignages recueillis par les détectives de Scotland Yard, les rapports entre l'actrice et son metteur en scène étaient particulièrement tendus depuis quelque temps. Il est de notoriété publique que Barbara Baxter s'apprêtait à divorcer du romancier Michael Swain et qu'elle avait l'intention d'épouser Charles Tullis. S'agirait-il d'un drame passionnel ? C'est ce que les enquêteurs cherchent, en ce moment même, à établir. »
—Ce n'est pas vrai, ce n'est pas possible, haleta le romancier en fixant des yeux hagards sur l'écran.
-« La mort tragique de celle que tout le monde considérait comme l'une des meilleures actrices britanniques sera douloureusement ressentie par tous ses admirateurs et ils étaient légion, poursuivait le commentateur ; elle les frappera d'autant plus que Barbara Baxter a, en somme, connu le sort tragique de l'héroïne qu'elle allait interpréter. »
D'un pas titubant, Michael Swain se dirigea vers le téléphone et composa le numéro du docteur Gibbson. Ce dernier répondit presque aussitôt.
-Gibbson, il faut que je vous voie tout de suite, c'est vital, bredouilla le romancier.
—Est-ce en rapport avec ce que je viens d'entendre à la télévision ? demanda le médecin d'une voix grave.
—Oui.
—J'arrive.
Dix minutes plus tard, il sonnait à la porte derrière laquelle Swain l'attendait, le teint livide, les yeux rougis de larmes.
—Mon pauvre ami, dit Gibbson en serrant les mains du romancier ; je comprends ce que vous devez...
Vous ne comprenez rien du tout ! interrompit Swain d'une voix rauque ; c'est moi qui l'ai tuée, Gibbson, c'est moi !
Le visage grêlé du médecin se contracta et son strabisme s'accentua nettement.
Vous ! s'exclama-t-il ; mais ce n'est pas croyable, Swain !
—Je vous dis que je l'ai tuée en rêve.., et, le diable sait comment, mon rêve s'est transformé en cette réalité hideuse ! sanglota le romancier ; c'était cela, le cauchemar dont je vous ai parlé tout à l'heure.
—Vous avez rêvé que vous étrangliez Barbara ?
—Oui.
Alors vous n'avez pas pu la tuer vraiment puisque, ce rêve, ou ce cauchemar, vous l'avez fait ici, dans votre bureau. A moins que... Mais allons parler de tout ceci là-haut, nous y serons plus à l'aise.
Les deux hommes_ montèrent en silence au premier étage. Swain se laissa tomber dans son fauteuil et se prit la tête à deux mains.
—Je vais devenir fou si je ne le suis déjà !
murmura-t-il.
Doucement, mon petit vieux, dit le psychiatre en sortant un flacon de sa poche ; vous allez d'abord prendre le calmant que voici et puis une petite dose de whisky. Le mélange n'est pas très recommandable d'habitude mais, dans l'état où vous êtes... Voilà ! Et maintenant, tâchez de rassembler vos esprits et de me raconter tout ce qui s'est passé aujourd'hui, sans rien omettre.
Swain obéit docilement, parla de sa rencontre avec son éditeur, puis du début de déjeuner qu'il avait eu avec Barbara.
Les premières minutes ont été tout à fait normales, dit-il, et Barbara s'est montrée charmante sauf à un moment précis où elle m'a dit, à propos de moi mais aussi de Charles Tullis, qu'elle ne voulait plus jouer le rôle du fantôme complaisant dans les rêves que faisaient les hommes qui l'aimaient. Ceci m'a agacé, mais sans plus. Nous avons parlé d'autre chose. Je...
je crois que j'avais un peu bu, elle était plus belle que jamais et je lui ai dit, assez cavalièrement je le crains, que j'avais envie d'elle. Sur quoi, elle s'est levée et est partie, furieuse.
—Et vous ? demanda Gibbson.
—J'ai continué à manger et à boire, surtout à boire. Puis j'ai pris un taxi jusqu'à la gare, j'ai dormi pendant une bonne partie du trajet. J'ai pris un autre taxi jusqu'ici.
—Pourquoi pas votre voiture ?
—Je ne me sentais pas en état de conduire.
Et une fois rentré, j'ai eu envie de revivre mon déjeuner avec Barbara, mais en lui donnant une tout autre conclusion. J'ai mis en place vos fichus appareils, pris une dose — un peu forte je le reconnais — du flacon n° 1 et j'ai essayé de rêver la scène. Ça a marché, hélas ! Dans mon rêve, Barbara me laissait la reconduire chez elle, me permettait d'entrer dans son appartement et répondait à mes baisers. Puis quelque chose s'est déclenché en moi, je ne sais quelle hâte, quelle fureur de la prendre vite... Je l'ai portée sur son lit et, là, j'ai voulu... Mais elle s'est débattue, m'a crié son dégoût... Elle m'a mordu par deux fois. J'ai vu rouge... mes mains se sont serrées autour de sa gorge... Voilà...
Gibbson se pencha en avant, les traits tendus.
Vous avez enregistré cette scène sur le magnétoscope ? demanda-t-il.
—Je ne sais pas, je ne sais plus... Je n'ai pas osé vérifier...
—Nous verrons cela tout à l'heure. Où Barbara vous a-t-elle mordu dans votre rêve ?
A la lèvre, puis à la main.
—Montrez... Il n'y a pas trace de morsure, c'est déjà un point d'acquis. Maintenant, jetons un coup d'oeil sur ce magnétoscope...
Swain poussa un gémissement.
—Je ne peux pas revoir cela, réentendre ces cris...
—Alors, allez donc vous passer le visage à l'eau et vous donner un coup de peigne, ordonna sèchement le psychiatre.
Il avait l'air bouleversé quand Swain réintégra son bureau.
Tous les détails s'y trouvent, murmura Gibbson, les yeux plus louches que jamais ; et ceci prouve votre innocence... A moins que...
Etes-vous certain, absolument certain, d'avoir été directement du restaurant à la gare ?
Swain fronça les sourcils.
—Il n'y a pas le moindre doute sur ce point.
On devrait d'ailleurs aisément retrouver le chauffeur qui m'a conduit. Je me souviens que, lui et moi, nous avons beaucoup plaisanté à propos de l'influence des vins italiens sur le comportement britannique.
Le psychiatre inclina la tête avec satisfaction.
Parfait. Donc, je le répète, vous êtes innocent et vous n'avez aucun reproche à vous faire, sinon d'avoir procédé à cette expérience dangereuse en état d'ivresse et en prenant des doses aberrantes des produits que je vous avais confiés.
Michael Swain marcha lentement vers la porte-fenêtre qu'il referma et appuya son front à la vitre.
—Il n'empêche que Barbara est morte, murmura-t-il enfin ; morte exactement comme dans mon rêve. Comment expliquez-vous cela, toubib ?
Gibbson haussa les épaules.
Il n'y a pas d'explication à chercher, mon vieux. Il s'agit d'une fantastique coïncidence.
Un homme a fait, matériellement, ce que vous n'avez fait qu'en rêve.
Le romancier se détourna et lui fit face.
—Et si c'était autre chose ? demanda-t-il d'une voix rauque ; si, par je ne sais quelle_ magie, ce rêve artificiel était entré dans la réalité ?
Le médecin eut un rire aigrelet.
C'est une très bonne idée de sciencefiction, mon cher ami. Mais, dans le concret, elle ne tient pas debout. Comment voulez-vous que ce qui se trouve caché dans les replis de votre subconscient prenne corps et pénètre dans le monde extérieur ? Il y faudrait, comme vous dites, de la magie et celle-ci ne relève pas de fria spécialité. Cela dit, rien ne vous empêche d'exploiter ce...
La sonnerie du téléphone retentit. Swain décrocha et entendit une voix de femme qui ne lui était pas inconnue.
-Michael ?
—Oui. Qui est à l'appareil ?
C'est Gladys, Michael, Gladys Horton. Tu ne reconnais pas ma voix ?
Swain fronça les sourcils.
—Si, bien sûr. Bonjour, Gladys... Bonsoir plutôt...
Oui, je sais que je téléphone à une heure impossible. Mais j'ai appris la terrible nouvelle et je voulais te dire, Michael, combien j'étais malheureuse pour toi... Et pour cette pauvre Barbara aussi, bien sûr... Mais qui aurait cru Charles Tullis capable d'une chose pareille ?
Le visage de Michael Swain se contracta.
—Charles Tunis? Qu'est-ce qu'il vient faire dans tout cela ?
La voix surexcitée lui vrilla le tympan.
—Comment ? Tu n'es pas au courant ? La B.B.C. vient de diffuser une émission spéciale.
Tullis a avoué qu'il avait étranglé Barbara.
Le romancier crut qu'il allait défaillir.
—Quoi ? hurla-t-il.
—Oui. Barbara et Charles étaient en assez mauvais termes, ces derniers temps, parait-il.
Non seulement à propos de la pièce qu'ils étaient en train de monter mais aussi pour des raisons... plus personnelles. Bref, Charles est allé voir Barbara chez elle dans l'après-midi. Ils ont eu une discussion qui s'est envenimée.
D'après Charles, Barbara était particulièrement nerveuse et irritable. Elle lui a dit que, non seulement elle renonçait au rôle de Desdémone, mais qu'il n'était plus question qu'elle l'épouse, quand elle serait divorcée. Charles a perdu la tête, il s'est jeté sur elle, sans avoir l'intention de lui faire mal, assure-t-il. Et, après, il ne sait plus ce qui s'est passé... Oh! Michael, mon chéri, c'est affreux. Tu dois être dans un état épouvantable. Ecoute... Je ne suis pas très loin de chez toi et je ne demande qu'à venir t'aider à supporter ces affreux moments. En tout bien tout honneur, bien sûr. Je n'arrive pas à supporter l'idée que tu vas rester seul cette nuit. Je puis être chez toi dans une heure... Accepte, je t'en prie...
La voix changea soudain de ton et devint un peu acide.
—A moins, bien entendu, que tu n'aies déjà de la compagnie.
—Non, murmura Michael ; je veux dire : non, je n'ai pas de compagnie. Et cela me ferait le plus grand plaisir que tu viennes, Gladys...
Mais je ne te promets pas d'être un hôte très réjouissant. Il faudra me prendre tel que je suis...
—Oui, Michael... Tout ce que tu voudras, Michael... J'arrive le plus vite possible.
Le romancier blêmit. Cette phrase, décidément, elles la prononçaient toutes ! Mais ce n'était toujours pas la voix qu'il avait entendue dans son rêve...
Il se tourna vers Gibbson qui ne le quittait pas des yeux.
—Gladys Horton, expliqua-t-il ; j'ai dû vous parler d'elle.
—Oui, bien sûr. La charmante rouquine que vous avez quittée pour Barbara...
—C'est cela. Savez-vous ce qu'elle vient de m'apprendre ? Charles Tullis, le metteur en scène, son amant et futur mari, a avoué qu'il l'avait étranglée !
Le psychiatre sursauta. Mais il écouta en silence le résumé que Swain lui faisait des propos de Gladys. Il hocha enfin la tête.
—Eh bien, dit-il, voilà qui confirme singulièrement l'hypothèse de la coïncidence dont je parlais tout à l'heure. Mais cette coïncidence n'a plus rien, maintenant, de fantastique. Elle est, au contraire, d'une remarquable logique.
—Que voulez-vous dire ?
—N'est-ce pas évident ? Au début de ce déjeuner, Barbara se plaint de Charles Tullis, de l'emprise qu'il essaie d'exercer sur elle, comme vous l'avez fait vous-même. Après quoi, vous lui dites que vous la désirez toujours. Elle s'en va, peut-être tentée, mais d'autant plus furieuse contre vous, contre Charles, contre tous les mâles du monde, et part se réfugier chez elle.
Arrive Charles. Discussion, puis dispute, d'abord en ce qui concerne le rôle de Desdémone, puis, plus généralement, à propos de leurs rapports sentimentaux et de leurs projets matrimoniaux. Sans doute Barbara parle-t-elle de vous et de vos offres... disons déplacées.
Jaloux, Charles tente de la reconquérir de la manière la plus ancienne et la plus classique du monde. Outrée, humiliée, Barbara se défend.
Peut-être même le mord-elle, il serait intéressant de le savoir... Charles perd la tête et...
voilà !
—Et voilà ! répéta Swain d'un air accablé.
—Mais vous n'avez aucun reproche à vous faire, répéta Gibbson ; sans doute Barbara étaitelle de ces femmes qui donnent à l'occasion, aux hommes qui les aiment, une envie presque irrésistible de les tuer. Précisément parce qu'elles refusent d'entrer dans le moule que vous voulez leur imposer. Vous, Swain, si vous l'aviez en effet raccompagnée chez elle, vous seriez peut-être en ce moment son meurtrier. Mais vous vous êtes contenté de la tuer en rêve.
Tullis, lui, a fait la même chose que vous, mais en vrai.
Le psychiatre fixa sur Swain un regard attentif.
—Si j'ai bien compris, cette Gladys Horton va venir ici, cette nuit, vous tenir la main ?
demanda-t-il.
Vous n'y voyez pas d'inconvénient ? lança brutalement le romancier.
—Aucun, mon cher garçon, aucun, assura Gibbson ; il n'est pas mauvais, au contraire, que vous ne restiez pas seul pendant les heures qui vont suivre... Souvenez-vous pourtant que vous vous trouvez dans un état nerveux plutôt perturbé. Tâchez de ne rien faire qui puisse aggraver cette perturbation.
—Comme, par exemple, de coucher avec Gladys ! ricana Swain.
—Je n'ai rien dit de pareil, mon vieux !
protesta le psychiatre ; il est même tout à fait possible qu'une relation sexuelle réussie vous aide à retrouver un certain équilibre.
—Ah! Qu'en termes galants ces choses-là sont dites ! s'exclama Swain ; en somme, docteur, vous ajoutez Gladys sur la liste de vos prescriptions !
—Je ne fais rien de tel, mon cher, répondit Gibbson d'un air vexé ; je me borne à vous conseiller de ne pas troubler davantage un univers sentimental déjà très encombré. Sur quoi je vous quitte et, avec votre permission, je viendrai prendre de vos nouvelles demain matin.
—Disons demain midi, rectifia Michael Swain ; Gladys est une lève-tard, si ma mémoire est bonne.
—Si elle ne l'était pas, vous avez de quoi la rafraîchir, dit le psychiatre en désignant du doigt les divers appareils épars sur le bureau.
—Je vous avais demandé de remporter votre attirail ! s'exclama Swain avec agacement.
—Demain, mon cher, si vous le voulez bien, répondit Gibbson ; il est tard, je suis fatigué et je n'ai aucune envie de coltiner mon sac à malice.
D'autant plus que vous risquez de me le redemander sous peu.
Resté seul, le romancier revint vers son bureau et se mit à fouiller dans un des tiroirs.
« Gladys, pensa-t-il ; il y a combien de temps que je ne l'ai vue ? Deux ans au moins, peut-être trois... A quoi diable peut-elle bien ressembler aujourd'hui ?... Ah! voici sa photo... Elle était bien jolie, et si tendre, si consentante à n'importe lequel de mes caprices... Au fond, pourquoi ne pas rêver d'elle avant qu'elle n'arrive ?
Ce serait le meilleur moyen de lui prouver que je n'ai rien oublié d'elle... »